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Si la révolution a en théorie instauré la création de l’école publique et gratuite, puis la création du corps des enseignants du primaire, c’est la loi de Guizot du 18.6.1833, sous la monarchie de Juillet, qui impose à toute commune de plus de 500 habitants de financer la création d’une école de garçons. (C’était l’époque où la population à Montillot était au plus haut depuis le début des recensements, avec 911 habitants dont 73 enfants). Il fallut attendre le 23.07.1836 pour que l’école publique soit étendue aux filles, sans obligations, et la loi Victor Duruy du 10.07.1867 pour que ces écoles de filles soit une obligation pour les communes de plus de 500 habitants.
La population à Montillot au fil des ans (A. Buet)
Bien sûr, auparavant, il existait déjà une école ainsi qu’en témoigne cette note prise par A .BUET :
« C’est un rapport d’inspection de l’Archiprêtre de Vézelay, conservé aux Archives de l’Evêché d’Autun, qui l’annonce :
« Montillot – 1700 – 240 habitants – …Les habitants ont nommé pour marguillier, chantre et maistre d’école dans la paroisse le sieur Guillaume DEFER, qui a promis de faire lesdites fonctions avec l’exactitude requise, moyennant quoi les paroissiens se sont obligés de lui donner et faire donner, par chaque année, 3 sols par chaque manouvrier, et une quarte de bled par chaque laboureur, et demye quarte par demye charrue, et en outre ce que ceux qui envoyront leurs enfants à l’école payeront les mois, qui seront pour chaque enfant de 3 sols pour ceux qui apprendront à lire et à écrire, comme encore au cas où le Roy attribue quelques droits au maistre d’escole des paroisses qu’il percevra lesdits droits dans cette paroisse sans diminution de ceux cy-dessus ». …
Nous connaissons Guillaume DEFERT, grâce aux Registres paroissiaux conservés aux Archives de l’Yonne (A.D.Y.).
Il est né à Montillot le 15 Juillet 1672 ; c’est l’année la plus ancienne des registres conservés. Ils sont tenus par Guillaume COLLAS, 28 ans, curé depuis le mois de janvier précédent.
Guillaume DEFERT est le fils de Jehan, – « lieutenant du bailliage », représentant officiel de l’Administration -, et de Claudine REGNAULT.
Il s’est marié le 6 février 1696 avec Elisabeth FERRAND, 21 ans, fille de Toussaint FERRAND, « huissier royal » (on disait aussi « sergent royal »), et de Marie de TROTAS.
Son cousin-germain Guillaume DEFERT (1675-1704), est « procureur d’office de Messieurs du Chappistre de Vézelay ».
Il fait donc partie des notables du village, et il n’a certainement pas eu de difficulté pour se faire agréer par la hiérarchie ecclésiatique.
Il est mort à 30 ans, le 23 Mars 1703 ; nous ne connaissons pas la cause de ce décès précoce ; le curé COLLAS est peu loquace ! Mais nous connaissons sa profession : dans un acte du 14 Mars 1705, fondant 2 messes basses annuelles en échange d’un journal de terre donné à la « Cure de Monteliot », selon la volonté des défunts FERRAND et DE TROTAS, on lit parmi les héritiers « éxécutants » : « Elisabeth Ferrand, vefve de défunt Guillaume Defert, vivant voiturier par eaux » (on dirait maintenant transporteur fluvial). »
Les archives municipales (actuellement conservées aux archives départementales de l’Yonne [ADY], série O [2O2463 et 2O2464]) ont permis de retrouver le fil qui a conduit à la création de l’école publique à Montillot.
Dès 1833, une école de garçon était installée dans une partie des bâtiments nouvellement acquis par la commune des époux Rabier/Grossot de Vercy, en 1820.
On a trouvé dans le dossier de la commune, en date du 13 octobre 1819 une ordonnance signée Louis, le roi, au château des tuileries, autorisant le maire de la commune à acquérir au nom de cette commune du sieur Rabier cette maison pour servir de presbytère, de maison commune et d’école. La commune avait engagé des négociations âpres pour initialement louer, puis acquérir un lieu dans ce but.
Le premier Novembre 1817 est « amodié » (= loué) à MM les membres du conseil municipal la maison RABIER moyennant la somme de 96F par an, « à commencer au 15 de ce mois et ce pour trois années consécutives ». Le 5 novembre est transcrit dans le registre le texte du bail de location de la maison Rabier. Il s’agit de : « Une maison située à Montillot, consistant en chambre, cuisine, cabinets, office, grenier, cave, jardin et vergers entourés de murs, derrière ladite maison lieux d’aisance, puits commun avec le fermier ; le colombier, à la charge de nourrir les pigeons pendant l’hiver et d’en laisser en quantité suffisante à l’expiration des trois années ; l’écurie et vinnée du bâtiment neuf ; la grange dite du lieu ; le poulailler et le toit à porcs, qui sont situés sous le colombier… sans néanmoins que moi DELENFERNAT puisse rien prétendre sur la partie habitée par le fermier de M RABIER et sans pouvoir nuire aux biens qui font partie de son bail ». Monsieur Joseph Anne Georges de LENFERNAT était alors maire de la commune.
« Une promesse de vente ayant été faite à la commune, le bail sera nul et non avenu dans le cas où l’autorisation d’achat aurait été obtenue avant le 25 Mars prochain. »
Dans une lettre datée du 22 janvier 1819, adressée au sous-préfet, au moment des négociations pour la vente du bien, le sieur Rabier précise « la partie habitée de cette maison aurait couté à bâtier plus de 30000F et le bâtiment qui peut faire maison d’école, bâti il y a 6 ou 7 ans, a couté dans les 4000F » : un bâtiment « neuf » est accolé aux granges.
L’acte de vente est établi par maître Hugues MONSAINGEON de Vézelay, en date du 23 février 1820. Sa lecture en est assez difficile ; il ne précise pas l’origine antérieure de la propriété, mais donne une description assez précise des lieux : « une maison de maître à laquelle est attachée la chambre habitée par le métayer. Cette maison est composée de plusieurs chambres, cuisine, cabinet, colombier, cave, granges, écurie, vinnée, cour verger et jardin, entourée de murs, aisance dépendante de ladite maison, qui est située au bas de ladite commune de Montillot, tenant du long à la rue et au chemin qui conduit dudit Montillot à Brosses, d’autre part aux terres labourables dites celles du champ jolly et aux chennevières aux vendeurs dont fait partie un petit canton ci-après désigné, d’un bout par Defert encore à une autre partie de terre dite celle de la plante tenant aux vendeurs, et d’autre bout du bois tenant à la rue qui conduit au petit puits de jean Berson (?)
(…) trois mètre et un tiers (ou dix pieds) de largeur dans toute la longueur de la pièce, à prendre dans une étendue de plus grande contenance de terre à faire ( ?) chennevière, sortant derrière lesdittes granges et écurie tenant d’une part à celle de Jacques Jojot, d’autre au surplus de la pièce d’embout aux susdittes granges et écurie, d’autre le long du chemin de la carrière ». Plus loin on précise « et comme dans la partie du mur qui tient à la terre dite du champ Jolly et chemin (…) il y a deux ouvertures en portes, alors les dits vendeurs s’obligent à les faire maçonner, à couvrir la partie du maçonnage (…) comme (…) à leurs frais (…) (…) de la part de la commune envers eux, et les ventaux des dites portes leur appartiendront ». Cette vente, avec d’autres immeubles, a été faite moyennant le prix principal de sept mille quatre cent francs payable sur le produit de la vente du quart des réserves de bois de la commune. C’est le nouveau maire Moré DEFERT, remplaçant le maire démissionnaire Joseph Anne Georges de LENFERNAT, qui finalise cette transaction.
La salle de classe de l’école des garçons a été alors installée dans le- dit « nouveau » bâtiment, aménagé, et le logement de l’instituteur dans le bâtiment adjacent.
Quelques années plus tard se pose le problème de la création de l’école des filles.
En 1868 une maison appartenant à Mr Pierre Joseph de LENFERNAT (maire de 1852 à 1853 puis de 1860 à 1870) est louée à la commune pour 3, 6, ou 9 années consécutives pour y installer l’école des filles. Elle est située au lieu-dit le crot major, nom aujourd’hui disparu, mais un plan nous permet de situer les lieux non loin du puits Martin. Cette maison se compose d’une salle de classe, chambre à coucher, cuisine, grenier sur le tout, jardin d’environ quatre ares attenant au bâtiment, pour un prix annuel de 100 francs. Ce qui fut fait, et secondairement approuvé par l’inspecteur d’académie, pour une période de 3 années consécutives en attendant de trouver un autre local. Monsieur P.J. de LENFERNAT, alors maire du village, avait acquis cette maison en 1861, des héritiers JOJOT, puis l’avait restaurée avant de la louer.
En 1873 et 1874 la commune projette l’acquisition à Mr GUTTIN d’un terrain situé à l’entrée du village, pour la somme de 2000 francs, afin d’y construire le bâtiment qui abritera la mairie et l’école des filles, en raison de la dégradation importante notée dans le bâtiment qu’elles occupaient : « trop exigu, la toiture menace ruine, les deux pièces qui servent de logement à l’institutrice sont trop petites, à peine éclairées, et si ce n’est leur exquise propreté elles ressembleraient plutôt à des étables qu’à des chambres à coucher » selon un témoin de l’époque.
Y sont adjoint de nombreux courriers croisés entre le sous-préfet, le préfet, l’inspection d’académie, et Mr P.J. de LENFERNAT (ancien maire démissionnaire) qui conteste ce choix, et la mairie représentée par son nouveau maire Claude GUILLOUX qui suspecte le dernier de n’obéir qu’à ses intérêts…
S’en suit une mise en demeure du sous-préfet (1) de ne pas acheter le local précédemment loué à Mr P.J. de LENFERNAT, à l’expiration du bail de 3 ans en décembre 1875, (2) de ne pas acheter un quelconque local dans le village, (3) mais de donner aux filles l’école des garçons et de faire construire à l’emplacement du terrain acquis de Mr GUTTIN une nouvelle école qui sera donc non pas pour les filles ainsi qu’abondamment documenté dans les nombreuses demandes de financements divers, mais pour les garçons.
Ces derniers occupaient toujours le « nouveau » bâtiment de granges, et la petite partie au nord, y compris à l’étage, avait été transformée en Mairie. L’instituteur logeait dans l’ancien bâtiment du fermier, sur rue. Tout ceci est détaillé dans ce plan établi préalablement à l’acquisition du terrain à l’entrée du village.
En 1877, la maison de l’institutrice étant devenue trop insalubre, il lui fut trouvé une autre maison dans le village (non localisée), constituée d’une petite pièce, pour un loyer de 45 francs mensuels que la commune a cru bon de mettre à la charge de l’institutrice : d’où contestation, à juste titre, auprès de l’académie et rétablissement de la charge à la commune. Elle jouissait aussi d’un jardin situé au début de la rue du lac.
En 1879, la maison d’école « des filles » et mairie est en construction. Il est alors projeté de compléter l’édifice de part et d’autre par deux annexes de 6m de long sur 4.5m de large, pour en faire (1) au nord le bâtiment de mairie, et (2) au sud le préau.
En 1880 le bâtiment est construit et la nouvelle école transformée en école de garçons. Un argument de poids est avancé par l’inspection d’académie avalisant ce choix : « le logement du nouveau bâtiment est spacieux, et un peu isolé, ce qui convient bien à la famille de l’instituteur, tandis que l’institutrice pourrait avoir quelques craintes à y demeurer seule, et qu’elle sera mieux dans l’autre maison située à l’intérieur du village. »
1882-1905 : C’est au tour de l’école des filles d’intégrer le bâtiment de l’ancienne école des garçons. Quelques modifications y sont apportées.
Le 1r Mai 1882, la décision N° 28 du conseil municipal considère que la cour du presbytère est très vaste, la cour de l’école des filles trop étroite: il était impossible d’y entrer avec une voiture. En outre un recoin moins accessible échappait à la surveillance de la maîtresse. Pour remédier à cela il est envisagé le déplacement parallèle du mur et du portail du presbytère de 6 m environ en dedans, sur la cour trop vaste, pour agrandir la porte de l’école.
On note que l’angle de la maison sur rue est « raboté » afin de permettre aux véhicules d’entrer dans la cour. Un mur en pierre sèche sépare la cour et le bâtiment des granges en deux parties, à partir du local d’aisance qui y était accolé, jusqu’au nouveau portail avec pierres chasse-roues ; un second portail y est accolé, pour accéder à la partie communale.
Des réparations dans l’école des filles sont préconisées (pour 100F) (et vote de crédits pour un nouveau cimetière pour 4000F). Le 2 mars 1894 sont effectuées des réparations sur les fenêtres de l’école des filles.
En février 1905 une nouvelle campagne de réparation de l’école des filles est discutée. Mais « considérant les réparations nécessaires, le terrain bas et humide, la distance de 500m à parcourir à pied par les petites filles, la surveillance impossible à midi, l’institutrice résidant alors à l’école des garçons, la commune demande l’aide de l’état pour construire et installer une école de filles aux lieu et place de la mairie attenant à l’école actuelle des garçons.
C’est la date de 1898 qui figure sur l’actuel bâtiment de mairie.
Un grand merci à André Buet pour sa relecture, et ses travaux préalables abondamment utilisés.