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En 1993 s’éteignait Charles Savelly, dernier porteur du nom à Montillot et dans la région. Ceci avait bien intrigué le Chanoine de Sens Jacques Léviste, auteur d’un article dans les cahiers généalogiques de l’Yonne en 1993 (tome IX): « Des palais romains aux manoirs de Puisaye, l’étrange destinée des Princes Savelli », qui avait fait une importante étude généalogique de cette illustre famille italienne dont l’un des membres émigra en France, mais qui arrêtait sa généalogie à la descendance connue, exclusivement féminine, de François Savelli (1670-1761), dont une fille était domiciliée à Montillot.
Reprenons et résumons ce travail du Chanoine Léviste.
Qui étaient ces Savelli romains ?
Sanzovino dans son ouvrage « de l’origine et des fastes des illustres familles d’Italie », imprimé à Venise en 1609, faisait remonter au temps du déluge l’origine de la famille Savelli. Hors ces origines imaginaires, on sait que cette famille possédait sur l’Aventin un domaine fortifié au XIe siècle. Au IXe siècle déjà les Savelli tenaient à Rome une place remarquée et un certain Guido Savelli, trop turbulent aux yeux du pape, fut envoyé en Corse pour y travailler à la pacification de l’île : ses descendants y sont demeurés jusqu’à ce jour, constituant désormais la seule branche subsistante de la famille.
A compter du XIe siècle, les Savelli devaient donner deux grands papes à l’Eglise : Honorius III (1216-1227) et Honorius IV (1285-1287), et une suite importante de cardinaux. Les Savelli furent mêlés aux grands évènements de l’histoire de la papauté et du monde latin, tour à tour ambassadeurs, chefs militaires, sénateurs ou médiateurs. Une visite aux monuments civils et aux innombrables églises de Rome peut suffire à donner une idée de la place importante de cette famille dans l’histoire de la ville : leur blason figure partout. Il s’agit d’un « écu coupé, le chef d’argent à deux lions affrontés de gueules, tenant entre leurs pattes une rose de même, surmontée d’un oiseau aussi de gueules ; et la pointe bandée d’argent et de gueules de 6 pièces, et une face d’or brochant sur le tout, chargée d’une anguille d’azur ». La dernière demeure des Savelli se trouve tout près du palais, dans l’église de l’Ara Coeli, à l’emplacement du temple de Junon. Un sarcophage antique occupe le centre du monument.
La généalogie de cette famille Romaine, de 1150 à 1712, est détaillée par le Chanoine Lévistedans son article. Le dernier du nom, Jules Savelli, prince d’Albano, duc de Venafro et de Marsi, grand d’Espagne, Chevalier de la Toison d’Or, Maréchal de la sainte Eglise, est mort sans postérité à 87 ans le 5 mars 1712. Plusieurs copies de lettres du XVIIIe siècle, conservées dans des archives familiales du Colombier à Etais-la -Sauvin , font allusion à la correspondance échangée entre les Savelli de Puisaye et le Prince Jules Savelli (et son frère le Cardinal Paolo Savelli), dont ils sollicitaient les faveurs.
Peu après la mort du prince Jules Savelli, se présenta à sa veuve un gentilhomme Français se faisant fort de prouver qu’il était le seul héritier du nom, des armes, des titres et des biens des Savelli, celui qui désormais allait signer ses lettres du nom de « Prince Dominique Philippe Savelli ». Il est en cette année 1715 âgé de 62 ans ( ?) . Un modeste document de la bibliothèque nationale brièvement rédigé par d’Hozier signale cet épisode. Malgré une recherche et un échange de correspondance important, conservé à la Bibliothèque Nationale au dossier Savelli, il fût impossible au prince Dominique Savelli d’établir avec certitude sa filiation avec les Savelli romains, et sa téméraire tentative échoua. Au vu de ce que nous connaissons aujourd’hui de cette généalogie, il semble qu’il eut été pour lui plus juste, et plus sage, de se rattacher par son bisaïeul Horace Savelli, premier du nom en France, non pas à Giovanni Savelli, maréchal du Conclave, époux de Livie Orsini en 1601, et grand oncle du dernier prince défunt, mais à Giovanni Savelli de la génération précédente, soldat de Cosino Premier, et dont on ne connaît que les activités durant la guerre de Sienne au XVIe siècle. Mais bien sûr les prétentions alors devenaient moindres. Quoi qu’il en soit, le Prince Dominique Savelli ne revint pas en Puisaye: les registres paroissiaux ne gardent aucun souvenir de lui. Dans les archives du Colombier, à Etais- la- Sauvin, une note manuscrite informe, de la fin du XVIIIe siècle, signale qu’il serait resté discrètement à Rome et y serait mort en 1741. Cependant, un troublant document laisse supposer que malgré cet échec les parents français ne furent pas oubliés dans le partage des biens du prince Jules Savelli. Il s’agit d’une donation entre vifs faite le 26 avril 1716 par demoiselle Elisabeth de Richouffz, … « cédant ses droits mobiliaires et immobiliaires qui lui étaient échus par le décès de Très Haut et Très Excellent seigneur le prince Jules de Savelly…sur toutes les principautés, duchés, comtés, terres et seigneuries…qui étaient tous situés hors de France dans les Etats de l’église, de sa majesté Impériale… »
C’est en 1562 que la présence de Savelli est notée à Toucy, en Auxerrois. Horace est présent au baptême de sa fille Edmée le 9 mars 1562, née d’une première alliance dont on ne connaît rien de plus. Pourquoi ce Savelli « natif de Rome et retiré en cestuy nostre royaulme pour y finir ses jours » aux dires des lettres de naturalité accordées en mars 1593 par Henri IV est-il venu s’installer à Toucy? La réponse a été apportée par une lettre adressée au cardinal Jules Savelli en 1641 par la mère Anne de Richouffz de St-Michel, du couvent de Chaillot, petite fille de « Messire Horace de Savelli ». Elle nous apprend qu’à la mort de Horace, son oncle était très jeune ; c’est de la bouche de son ami intime Mr de Richouffz, oncle de la mère Anne de Richouffz, qu’il apprit que Horace s’était battu en duel avec un grand seigneur d’Italie, et qu’il l’aurait tué sur place, l’obligeant à se réfugier en France où il vint avec un seigneur d’Italie nommé Gonzagues de Médicis. Quelques temps après, le Comte de Chaume, ayant été ambassadeur à Rome, connaissant son extraction, le pris avec lui et le maria en 1590 avec mademoiselle Charlotte de Montbeton, fille de Guy de Montbeton écuyer, seigneur de Celles en Champagne, et de Champeaux, fief situé sur la commune de Toucy. Ce mariage l’obligea à faire un séjour en France ; le Roi Henri IV lui donna ses lettres de naturalité, en le reconnaissant issu de l’illustre race des Savelli. La mère Anne de Richouffz note par ailleurs la similarité des armes utilisées par son grand-père (cachet de lettres) et des armes des Savelli Romains.
La généalogie des Savelli Auxerrois a été établie d’après les registres paroissiaux de Toucy, Thury, Lainsecq et Etais- La- Sauvin.
Horace Savelli eut une fille d’un premier mariage, et six enfants du second, dont Charlotte Savelli, mère d’Anne de Richouffz, Charles Savelli né en 1595 et François Savelli.
Charles Savelli est écuyer, capitaine des gardes du maréchal de Chatillon, et parrain à Toucy en 1647. Il aura quatre enfants dont Philippe Alexandre, parrain à Toucy en 1646 et décédé en 1698. Ce dernier est écuyer, seigneur de Champeaux et de son mariage avec Elisabeth de Biencourt est issue la branche « de Savelle » qui s’éteint à Toucy en 1745.
François Savelli est né en 1601. Il eu 6 enfants de son épouse Françoise de Soyer, dont Dominique Savelli, et Charlotte et Anne Savelli, toutes deux citées dans la généalogie de d’Hozier.
Dominique Savelli, fils du précédent, est écuyer, seigneur de Champeaux en partie et de la Grangette. Il est déjà mort en 1712. Il épousa à Thury le 25 février 1667 Jeanne de Drouard, dame du Verger, fille d’Edmé de Drouard seigneur de Curly, dont il aura quatre enfants, dont François Savelli, Dominique Philippe Savelli dit « le Prince », parti pour Rome pour briguer la succession des Savelli Romains, où il mourut, et Laurent Dominique Savelli, capitaine au régiment Royal Rousillon , Cavalerie en 1740, chevalier de Saint-Louis, qui épousa en 1749 Jeanne Françoise de Richouffz et mourut le 27 novembre 1765.
François Savelli, petit-fils du premier, est seigneur de Maupertuis en 1709-1726, et de la Guirtelle (Lainsecq). Il fût baptisé à Thury le 20 novembre 1670, et mourût chez sa fille dans le domaine du Colombier à Etais-la -Sauvin à un âge très avancé pour l’époque, en 1761. Il épouse le 31 Août 1706 à Brosses Elisabeth de Burdelot, fille de François de Burdelot écuyer seigneur de Fontenille, et de Marie de la Bussière. Veuf neuf ans après son mariage, il aura 4 enfants légitimes dont seules deux filles auront descendance : Marie Elisabeth, baptisée à Thury le 20 novembre1706, qui épouse à Lainsecq le 17 février 1722 Bon de la Borde, écuyer, seigneur du Faye et de Montillot ; Marie-Jeanne, baptisée à Thury le 19 novembre 1707, décédée au Colombier à Etais-la -Sauvin , domaine de son époux, pendant la révolution ; elle avait épousé le 7 janvier 1727, à Lalande, Nicolas François de Mullot de Villenaut, et son fils Louis Nicolas Mullot de Villenaut, marié à Elisabeth de la Borde, est l’ancêtre des Mullot de Villenaut d’aujourd’hui.
Mais l’étude des registres de Montillot nous apprend que le 10 février 1749, lors de la publication des bancs de son mariage avec Claudine Guttin, un dénommé Morice Guiard né le 22 septembre 1721 de Marguerite Guiard demeurant à Etais-la -Sauvin, servante chez madame de Villenaut, et de père inconnu, ainsi qu’il apparaît sur son acte de baptême à Lain, près de Lainsecq, ce dit Morice Guiard est reconnu par son père François Savelli, écuyer à Etais-la -Sauvin, qui lui donne son nom. Sa femme ne survivra pas à sa seconde grossesse, ni ses enfants. Il épouse en seconde noces Jeanne Guilloux, en 1805, dont sont issus les derniers Savelly de Puisaye, domiciliés à Montillot, et dont l’arbre généalogique avait été dressé d’après les registres conservés en mairie jusqu’à une date récente.
Pour la petite histoire, on note que c’est le 24 Juillet 1750, soient 17 mois après la reconnaissance de Morice Guiard-Savelli, qu’est dressé un acte de succession-partage (Ci dessous) entre vifs de François Savelli en faveur de ses deux filles, veuves, Jeanne de Savelli et Marie-Louise de Savelli « …ses deux filles et ses seuls enfants et héritiers …», conservé dans les archives du château à Montillot. Moyennant quoi les relations entre les deux branches légitime et illégitime de Montillot ont été normalisées, puisque l’on retrouve des parrains et marraines de la première pour la seconde, dans les générations suivantes…
L’acte de succession-partage des biens de François Savelli entre ses deux filles Marie- Louise et Jeanne, Monteliot- 24 Juillet 1750
L’an mil sept cent cinquante le vingt quatre / Juillet a Monteliot après midy, en la maison de dame Marie Louise / de Savelly, veuve de Messire Bon de la Borde, et pardevant moy Vincent / Baudot, nottaire royal résidant et etably a Vézelay soussigné expres mandé / avec mes témoins cy bas nommés, est comparu en personne Messire / François de Savelly ecuyer Seigneur de Mauperthuy demeurant a present / a Monteliot chez laditte dame de la Borde, sa fille, lequel se voyant avancé / en age, et désirant laisser la paix dans sa famille, et craignant / la division entre les deux dames ses filles cy après nommées au sujet / du partage de ses Biens, il a résolu de son vivant de faire le partage / des Biens dont il jouy actuellement, Entre dames Marie Louise / de Savelly, veuve du Sieur Bon de la Borde, et Jeanne de Savelly, / veuve de Nicolas Mulot ecuyer Seigneur de Villenault, Capitaine de Cavallerie / au Régiment Daumon, ses deux filles et ses seuls enfans et héritières / Pour a quoy parvenir, il a ordonné aux dittes dames ses deux filles / de faire entre elles l’estimation de ses biens dont elles ont connoissances / plus particulières que luy même. A quoy ayans obeÿ, elles en ont / fait deux lots qui ont été tirés au sort par un enfant passant. /
Le premier desquels est écheu a la ditte dame Marie Louise de Savelly et sera / composé des biens cy après
Scavoir de la Terre et Seigneurie de Mauperthuy, en quoy qu elle consiste / sans aucune reserve, seituées en la parroisse de Druye Election de Clamecy, / Monnante de Monsieur le Duc de Nevers, consistante en un domaine sans / bastiments, en un Terrier, Terrages, Bois, Buissons, chaumes et / Terres vaines et vagues.
Plus en un contract sur le Trésor royal suivant la quittance de finance / du quatre mars mil sept cent un, créé par Edit du mois de décembre mil sept / cent, produisant actuellement suivant la déduction par arrest du conseil du / onze octobre mil sept cent vingt trois, quatre vingt quinze livres cinq sols , lequel / contract quittance de finance, et arrest de reduction, le dit Sieur de Savelly a déclaré …///
///…estre actuellement entre les mains de Monsieur le Marquis Danlezy qui en / couche les arrérages depuis quelques années pour ledit Sieur de Savelly qui / a déclaré que le dit contract sur le Trésor Royal est, autant qu’il peut se le / rappeller, de la somme de deux mil cinq cent livres en principal.
Plus un contract de constitution de rente de vingt cinq livres par an au / vingt trois janvier, au principal de cinq cent livres créé au proffit du dit Sieur / de Savelly par contract reçu Joynon et Collin, nottaires, le vingt trois / janvier mil sept cent trente, controllé à Thury le trente un du dit mois / par le Sieur Jacques De la Coudre, ecuyer, capitaine au régiment de Lachenelays, demeurant a Grangette, parroisse de Thury.
Plus d’une autre rente de cinq cent livres de principal aux arrérages / de vingt livres par an et deux poulets, payable au jour de Saint André / de chacque année, reconnue au proffit du dit Sieur de Savelly par contract / receu Bertrand, nottaire au duché de Nivernois, résidant a Tingy le / onze Septembre mil sept cent vingt six, controllé a Druye le vingt un / du dit mois par Trémeau, par Jean Goubinat, laboureur demeurant a la / Fontenelle, parroisse de Tingy; et en trois cent livres de soulte qui seront / payées par le lot cy après, ainsy et comme il sera dit.
Le Second Lot est echeu a la dite dame Jeanne de Savelly, veuve Mulot / de Villenaut, et sera composé du bien de la Guiretelle, parroisse de Linsecq, / consistant en bastiments, prez, terres et vignes sans en rien excepter n’y / reserver, tel et tout ainsy qu’en a jouit le dit Sieur de Savelly, et qu’en / jouy actuellement ou doit jouir Edme Petit, fermier actuel, lequel lot rendra / et resoultera pour plus value au premier lot la somme de trois cent livres qui / seront payés au premier lot arrivé a la ditte dame veuve de la Borde après / le déceds du dit Sieur de Savelly; et faute de payer et rembourser les dits trois cent / livres trois mois après le dit déceds les interests au taux de l’ordonnance en seront // payés a compter depuis le déceds .
Les dettes que peut devoir le dit Sieur de Savelly sont a la charge des dittes deux / dames ses filles par moitié, et seront par elles payées après son déceds .
Se réserve positivement le dit Sieur de Savelly la jouissance sa vie durant / de tous les biens qui font la matière du present partage.
Ce fait, le Sieur de Savelly a fait venir les dittes deux dames ses filles ausquelles / de son ordre j’ay fait lecture en presence de mes témoins cy bas nommez …///
///… du partage cy dessus, et après avoir ouy la lecture, elles ont humblement / remercié le dit Sieur de Savelly leur père, loué, approuvé et ratiffiés le dit / partage et consenty chacune vis a vis d’elle qu il ayson execution, sauf l’usufruit / des dits biens au dit Sieur de Savelly sa vie durant, se demettant dès a present / en faveur de ses dittes filles de la propriété des dits biens partagés, se reservant,/ de jouir et disposer des revenuës d iceux pendant sa vie ainsy qu’il … , / ce qui a été unanimement consenty, convenu et accepté, entre toutes les partyes / qui ont déclarés que les biens présentement partagés sont de valeur y / compris les rentes, de neuf mil livres. Les lots seront garantis les uns / envers les autres de la garantie ordinaire. Car ainsy et ce promettant, et ce / obligeant et ce renonçant, fait, lû et passé audit Monteliot en la maison / de la ditte dame Veuve de la Borde en présence de Me Claude Grossot de Vercy / conseiller du roy, Elu en l’Election de Vézelay, demeurant audit Vézelay, et de / Claude Porcheron, taillandier, demeurant en ce lieu de Monteliot, témoins / a ce requis et appellés qui ont signés avec les dittes parties et moy nottaire / susdit et soussigné. Ainsy signés a la minutte des présentes F.Savelly, / Savelly de la borde, Savelly de Villenaut, Grossot de Vercy, C.Pourcheron, / et Baudot, nottaire susdit et soussigné. A la marge est écrit « Controllé / a Vézelay le vingt huit Juillet mil sept cent cinquante, receu cinquante / quatre livres douze sols, sauf le suplément de drois de controlle a percevoir / sur l’excédent qui se trouvera de dix neuf cent cinq livres, principal de la rente / de quatre vingts quinze livres cinq sols, qui est surement d’un plus hault / principal, par la quittance de finance du quatre mars mil sept cent un, / énoncée audit partage , qui sera représentée en ce bureau a cet effet le plus / promptement que faire se poura par la dame de Savelly veuve du Sieur de la Borde .
Ainsy signé Duverger avec paraphe
BAUDOT
…je reconoist avoire resue de madame de Vilenot ma tante ma portion des troix sans livere portée aus presand partage dou je la tiens quite
aux Coulonbier ce senque novambre mile sept cent souesante e un
Boulé
…nous sousigné Elizabete et Françoise de la Borde reconnaissons avoir reçu de madame de Villenaut notre tante la somme de deux cent livres portés au presant partage Sous quitance a Monteliot ce onze septembre mil sept cent soixante dix
R.M.Koutlidis, Septembre 2001