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27 Janvier 1672 – Un nouveau curé est nommé à MONTELIOT
On trouve ce document aux Archives de l’Yonne, dans le dossier « Abbaie de Vezelai – Cure de Monteliot » , sous la cote H 1976 . Il s’agit du compte-rendu de la nomination du curé COLLAS par le Chapitre de Vézelay. Le texte original en latin a été traduit par Mr Gilles Boutte, bénévole du groupe « Entraide Francegenweb ».
A l’illustrissime et révérendissime seigneur Abbé de l’insigne église de la Bienheureuse Marie Magdeleine de Vézelay, en aucun diocèse, et en l’absence de sa personne , au vicaire général du doyenné canonique et au chapitre de la dite église, Salut avec tous honneurs et révérence dûs.
En foi de quoi nous aurons soin que les présentes lettres, soussignées de notre main, soient signées par Messire Claude Berthion , chanoine et secrétaire de ce Chapitre, et soient munies du sceau de notre Chapitre. Fait à Vézelay, au lieu habituel pour la réunion conventuelle des chanoines en la susdite église de la Bienheureuse Marie Madeleine de Vézelay , l’an du Seigneur mil six cent soixante-douze et le vingt-sept janvier.
( Signatures : P. Anthoine ; R. Gault ; P. Ragon ; Trineau ; Berthion, chanoine secrétaire )
Commentaires : on a ici le texte de présentation à l’Abbé de Vézelay du candidat à la cure de Monteliot par un groupe de chanoines de son Chapitre ( autrement dit son « Conseil d’Administration »).
La présentation ou droit patronal à l’église paroissiale Saint Laurent de Montillot, dépendant de votre pouvoir et territoire, en cas de vacance de celle-ci, nous appartenant à nous (…) de notre dit Chapitre, la collation ou provision et toute autre disposition vous appartenant de toute antiquité pour raison de votre dignité abbatiale, la dite église paroissiale étant pour lors libre et vacante par suite du décès de messire Lazare Gourlet, dernier possesseur en paix de la dite église, nous vous proposons notre bien-aimé messire Guillaume Colas, prêtre éduen, suffisamment capable et idoine pour obtenir, gérer et gouverner la dite église paroissiale Saint Laurent de Monteliot, en requérant et demandant de recevoir et admettre notre candidat, le dit Guillaume Colas, et notre présentation, et de vouloir et juger digne de faire et expédier , ou de faire faire et faire expédier les lettres de collation et de provision à notre dit candidat, notre droit et tout autre étant toujours sauf.
Il s’agissait de succéder au prêtre Lazare GOURLET, décédé récemment.
Guillaume COLLAS est dit « prêtre éduen », ce qui signifie qu’il appartient au diocèse d’Autun ( pour mémoire, les Eduens étaient un peuple Gaulois dont le territoire avait pour capitale Bibracte (Mont Beuvrey) et était approximativement limité par les villes actuelles de Moulins, Nevers, Mâcon, Beaune et Avallon)..
Par d’autres documents, nous savons qu’il était né à Corbigny et qu’il avait environ 28 ans.
C’est le curé COLLAS qui a tenu les registres paroissiaux de notre village, les plus anciens conservés jusqu’à nos jours (actuellement aux Archives départementales de l’Yonne). Le 9 Avril 1672, il avait baptisé 2 jumeaux, Edme et Jacques COUTURIER, nés à Tameron.
Chapitre 2
L’église de Monteliot et son curé sont inspectés
Sous l’Ancien Régime, les évêchés faisaient inspecter les églises chaque année pour s’assurer de leur bon entretien.
Dans le diocèse d’Autun, l’Archiprêtre de Vézelay demandait un rapport à chaque curé de son secteur, allait lui-même visiter chaque paroisse et fournissait ensuite par écrit ses propres impressions.
On trouve un certain nombre de ces documents dans les liasses 2G11 et 2G12, de « l’Archidiaconé d’Avallon- Archiprêtré de Vézelay » déposées aux Archives Départementales de Saône-et-Loire, à Mâcon. Ils présentent une description de notre église au 17ème siècle
a) Voici d’abord un rapport rédigé par le curé COLLAS vers 1680. (Archives départementales de Saône-et-Loire – Cote 2G12)
Estat de la parroisse de l’Eglise de St Laurent de Monteliot Diocese d’AutunPremieremens l’Eglise est dediée au bienheureux SaintLaurend martir et la dedicace se Sollennise le 6 May Messieurs du chapitre de Vézelay sont presentateurs de laCure comme patrons. Il y a dans la dicte Eglise trois autels Scavoir le grand autel L’autel de la Ste Vierge, et l’autre de Ste Brigide. Le grand autel est orné d’un tabernacle garny d’images, a cotté d’Iceluy il y a deux images de pierre, l’un de la Ste Vierge du costé de l’Epoi.g.., et du costé de l’Evangile celuy de St Laurend, et dans le tabernacle il y a un ciboire, une custode Et un soleil d’argent. Il y a un calice et une patene d’argent. Il y a quatre chandeliers d’estain et trois chandeleiers de cuivre. Il y a cinq chasubles neufves, desquels il y en a deux dedamas caffard, l’une blanche et l’autre rouge, une violette, une verte et une noire de Camelot garnies toutes de leur estole manipulé voile vols et bourres de couleur aux chasubles. Il y a deux devant d’autel, l’un blanc de damas caffard, l’autre Rouge de camelot, et deux chapes, l’une rouge de damasCaffard neufve et l’autre de Camelot de mesme couleur. Il y a deux croix de cuivre et deux lampes de cuivre. L’autel de Ste Brigide est orné de deux images de pierre, l’un De Ste Brigide et l’autre de St Antoine avec un couvre table . L’autel de la Ste Vierge est orné d’un vieil tabernacle et D’un grand tableau de la dicte Vierge. Le Chœur de l’église est voulté. La neffe ne l’est pas. Il y a deux cloches dans le clocher de la dicte église. Il y a douze nappes d’autel, quatre aubes, quatre corporaux Faict purificatoires, et quatre surplis tels quels …. Le cimetière est attenant à l’église, fermé et une croix de bois au milieu. Le curé est Guillaume Collas, prestre de ce diocèse, natif de Corbigny, âgé de trente cinq ans et dix mois. Il y a deux cent quarante cinq communians. |
Commentaires : – la « dédicace » était la fête patronale, passée depuis lors du 6 mai au 10 Août … – le cimetière était alors à côté de l’église, sur le flanc sud ; seuls les nobles et les notables étaient inhumés à l’intérieur. – le « corporal » est le linge béni sur lequel l’oficiant pose le calice et les fragments d’hostie. – Il y avait 2 cloches ; ceci nous rappelle que l’une d’elles avait été mise en place en 1648, sous le ministère du curé Denis DELAPLACE. Nous le savons par l’inscrption gravée sur cette cloche ; le texte ci-après est archivé au Ministère de la Culture : Ministère de la Culture-Base Palissy
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b) – Voici un autre rapport rédigé par le curé COLLAS en août 1692.
Monteliot
Je mapelle Guillaume Collas âgé de quarante
Huict ans, natif de Corbigny, diocèze
d’Autun, curé du dict Monteliot depuis vingt
et an ou environ. Il y a deux cents
quarante communians. Le revenu est
de la portion congrue par composition
faicte a l’aimable faicte avec Messieurs
du Chapitre de Vézelay qui possèdent les
dixmes de bled et revenus de la dite paroisse
et d’où ils tirent près de six cent
livres. L’Eglise parroissialle est dédiée à
St Laurent. Messieurs du Chapitre sont les
présentateurs de ladicte cure, du Presidial
d’Auxerre, du Parlement et de l’Intendance
de Paris. On y faict exactement le cathéchisme
suivant l’Ordonnance . Il y a une chapelle
ruinée que l’on appelle vulgairement
le prioré et qui a onze bichets et demy
de bled, moityé froment et avoine, de rente
au raport des anciens, possédée par Messieurs
du Chapitre de Vézelay. Le surplus n’est point
du faict de la dite cure . Faict ce vingt
huictième aoust mil six cent quatre vingt douze
G.Collas
Curé de Monteliot
Commentaires
– 240 communiants : ceci marque une importante fréquentation de la messe dominicale ; rappelons que , d’après le recensement de Vauban, il y avait en 1696, 363 habitants à Monteliot, dont 66 hommes et 83 femmes veufs ou mariés, 40 filles de plus de 12 ans et et 47 garçons de plus de 14 ans, 14 valets et servantes…
– Portion congrue : il s’agit de la pension annuelle que touche le prêtre , un « salaire minimum » tout juste suffisant pour vivre ( du latin « congruens » = juste, convenable…). La dîme est un impôt en nature exigé par l’Eglise pour assurer l’entretien des prêtres desservants ; elle pèse surtout sur les produits de la terre ( prélevée dans le champ, sitôt la récolte terminée), et de l’élevage. Elle ne représente pas forcément le 1/10 des récoltes , mais le 1/12, le 1/15 ou le 1/20éme, selon les paroisses et les périodes. L’organisme qui perçoit les dimes est le « décimateur ». C’est rarement le prêtre de la paroisse, mais l’institution qui le « patronne » . Ici, c’est l’abbaye de Vézelay qui « reverse » aux curés de la « poté » – dont Monteliot – une partie du produit de la dîme.
Le pouvoir royal a toujours assuré un rôle « régulateur » : des édits successifs ont fixé la portion congrue en 1571 à 120 livres, en 1632 à 200, en 1686 à 300. En mai 1768 , le montant est indexé sur le prix du blé, et fixé à « 27 septiers mesure de Paris » soit alors 500 livres…
Le curé COLLAS parle d’un accord « a l’aimable » avec le Chapitre de Vézelay…Mais nous verrons qu’il n’a pas hésité à engager une procédure contre le dit Chapitre pour toucher son dû !
Plus tard, Voltaire nous a dit sa pitié à l’égard de ces petits prêtres de campagne …et son peu d’indulgence envers les dignitaires ecclésiatiques de l’époque . Dans son « Dictionnaire philosophique », on lit :
…..« Je plains encore davantage le curé à portion congrue, a qui des moines, nommés gros décimateurs, osent donner un salaire de quarante ducats pour aller faire, pendant toute l’année, à deux ou trois milles de sa maison, le jour, la nuit, au soleil, à la pluie, dans les neiges, au milieu des glaces, les fonctions les plus désagréables, et souvent les plus inutiles. Cependant l’abbé, gros décimateur, boit son vin de Volnay, de Beaune, de Chambertin, de Sillery, mange ses perdrix et ses faisans, dort sur le duvet avec sa voisine, et fait bâtir un palais. La disproportion est trop grande. ».
Le « prioré », chapelle ruinée :
Le curé COLLAS ne précise pas .
Il écrit simplement : « il y a une chapelle … » !
On peut supposer (cf Pierre GUTTIN) qu’il s’agit du bâtiment à toit incliné, accolé au chœur côté Sud, utilisé maintenant comme sacristie. La structure des murs, la nature du dallage montrent que sa construction date de la même époque que le chœur et la base du clocher.
On y accède depuis le chœur par une porte en bois massif ; 30 ou 40 personnes pouvaient y tenir debout pour des messes basses ou diverses dévotions. Une porte, aujourd’hui murée donnait à l’arrière du Chœur vers le presbytère, maintenant maison de maître, qu’on appelle « le Prieuré ». Une fenêtre, côté Sud, donnait sur le passage reliant le cimetière au presbytère. Côté Ouest, une porte à 2 battants donne sur le cimetière. Le Chapitre de Vézelay propriétaire de cette chapelle ne paraissait pas s’intéresser à son entretien et la laissait tomber en ruines… !
Même en des temps plus récents l’entretien du toit a souvent laissé à désirer, faute de moyens…
(Ci-joint le plan actuel de l’église et des maisons proches).
Chapitre 3
c) Ci-après , la transcription de deux rapports du curé de Saisy, archiprêtre de Vézelay, après inspection de l’église de Monteliot.
en 1689 « Le 31e jour du mois d’aoust 1689 Nous Pierre Bezave… nous somes transportez au lieu de Monteliot dans l’eglise de St Laurent paroisse du dit lieu ou estant apres avoir nostre priere nous avons fait soner la cloche ou se seroient trouvé Me Guillaume Colas prestre curé du dit Monteliot, Pierre et François Triou et plusieurs autres Nous avons visité le St Sacrement lequel nous avons trouvé dans un ciboire d’argent non doré fort propre, le portatif, le soleil, la croix d’argent fort belle, une bannière de damas cramoisy ornée d’une image de St Laurent d’un coté et de la Vierge de l’autre en broderie, les ornements et le linge bien plié et proprement tenus renfermés dans une fenestre fermant a clef suivant qu’ils ont esté raportez dans nostre visite precedante . Le dit Curé nous a conduit dans la nef de l’eglise ou il nous a fait ouverture d’un armoire fermant à clef dans laquelle nous avons trouvé trois chefs dans l’un desquels est le relique de St Laurent, dans l’autre celuy de Ste Brigide, et dans le troisième celuy de St Anthoine, et dans un bras celuy de St Eloy qui sont posez sur un linge bien bland ; de là nous avons visité les fonts baptismaux dont nous avons trouvé les eaux bien claires dans leur fontaine d’airain proprement couverte, les Stes huiles dans des visseaux d’estaing, lesquels fonts les dits Sr Curé et habitans nous ont promis ballustrer incessamment, et du premier argent qu’ils pouroient amasser de la Fabrique. Ainsy signé G. Collas, P.Bezuve , curé de Saisy et Gaudouard, curé de Monceaux secrétaire comis |
en 1692
« Le 20e 7bre 1692, Nous Pierre Bezuve …. Estant au lieu de Monteliot en l’eglise de St Laurent, paroisse du dit lieu a comparu Me Guillaume Colas, prestre curé du dit lieu et avoir fait nostre visite seroit aussy comparu Messire Dieudonné De Laborde, escuyer fabricien, lequel nous a fait voir son compte depuis le 7e may dernier jusqu’à present, l’est trouvé la somme de sept livres dans le tronc qui a esté ouvert devant nous ayant aucun revenu par fondation que la queste et sept bichets de bled moitié avoine et moitié froment sur la ….( ?)…. livres qui appartiennent a la dite fabrique de temps immemorial qui pouroit valoir huict a neuf livres par chacunes annees qui se payent a la St Martin sur environ neuf arpends de…laquelle leur est demeurée entre les mains du dit Seigneur de Laborde pour payer la ballustre des fons et autres reparations nécessaires et nous a dit avoir desja fait la declaration au … traittant des amortissements. Ainsy signé G. Collas curé de Monteliot, de laborde, P Bezave, curé de Saisy, et Gaudouard, curé de Monceau secretaire susdit et soussigné » |
Commentaires
« Fabrique et fabriciens » : sous l’Ancien Régime, l’entretien des églises paroissiales était partagé entre les « décimateurs principaux » et les habitants du village ; aux premiers le chœur, aux autres la nef.
Les habitants désignaient donc un « conseil de fabrique » pour administrer les biens et revenus résultant de donations diverses, et organiser les travaux d’entretien.
A l’origine, le mot « fabrique » était lié à la construction même de l’église ; il en a recouvert ensuite l’entretien . Les membres de ce Conseil étaient les « fabriciens ».
A Montillot, il semble que cette organisation ait fonctionné jusqu’au début du 20ème siècle. En Alsace-Lorraine, elle subsiste de par la législation concordataire (aujourd’hui, les Conseils de fabrique de cette région ont fréquemment un site Internet pour faire appel aux généreux donateurs… !).
Le premier texte ci-dessus nous rapporte que les « inspecteurs » ont rencontré avec le curé COLLAS quelques « fabriciens ». Nous connaissons par les registres paroissiaux les 2 frères TRIOU ( ou TRIJOU, nom alors assez fréquent dans la région lié aux plus anciennes familles. Pierre était cordonnier, mari de Claudine PERNOT ; beau-frère de Jean PERNOT, « praticien » (procureur judiciaire) et beau-père d’Edme POURCHERON ; François, époux de Léonarde BARBUT, était le beau-père de Jacque CARILLON. Nés entre 1620 et 1625 , ils sont décédés en mars et avril 1694.
Le deuxième texte rapporte la rencontre des inspecteurs avec Dieudonné de la Borde, dit « escuyer fabricien », qui joue le rôle de comptable de la fabrique. Il représente une famille de la petite noblesse locale, sans prérogatives seigneuriales sur le village , bien que s’étant attribué le titre de « seigneur du Feys et de la Borde » ( fiefs sans consistance réelle puisque le Feys est notre « Fège » actuel et la Borde est une ferme fortifiée dans les bois d’Asquins). Son père Bon de la Borde a acheté en 1648 la propriété de Toucheboeuf, ancienne maison d’un laboureur, aménagée progressivement et devenue dans la tradition locale le « Château de Montillot ». Lui-même, né en 1647, s’est marié en 1674 à Brosses avec Elisabeth de Burdelot, fille d’Olivier, « seigneur de Fontenille et Malfontaine ».
Il existe d’autres rapports d’inspection ; tous louent le bon entretien de l’église par le curé et les fabriciens, « cette église paroit être en très bon état, bien pourvue de tout »…
En 1695, il est signalé : « point de sage-femme dans la paroisse »…et « il faut décharger De la Borde de sa charge de fabricien ( il le demande ) ; il devra remettre la somme de 20 livres 14 sols ».
Peut-être des différents étaient–ils déjà apparus entre Dieudonné d’une part, le curé COLLAS et les habitants d’autre part…
Chapitre 4
L’affaire du banc de l’église de Monteliot.
Dieudonné de La Borde contre le curé Guillaume Collas
1698-1701
Journal Le Paissiau, N° 29, Décembre 98.
Conservatoire de la Nature Paul-Bert, 5Bd Vauban, 89000 Auxerre.
Resp.: Dominique Charlot
les protagonistes |
L’affaire commence en 1698. Chaque dimanche, la famille de La BORDE, de petite noblesse rurale, dirigée par Dieudonné de La BORDE (51 ans), assiste à la messe dans l’église Saint LAURENT de MONTELIOT. Il y a là Elizabeth de Burdelot (46 ans), – issue de la famille voisine des « seigneurs » de Brosses, Fontenille et Malfontaine , épouse de Dieudonné depuis 1674 -, Germaine de la BORDE (50 ans), soeur de celui-ci, célibataire, et les enfants mineurs : 2 filles, Françoise (23 ans) et Magdeleine (7 ans); 2 garçons Simon (17 ans) et Bon (5 ans). Depuis environ soixante ans, la famille De La BORDE fréquente cette église. On sait en effet (d’après l’exploitation d’actes notariés de l’époque) qu’en juin 1639, Jacques de LONGUEVILLE, époux de Barbe de La BORDE, a acheté une maison et des terres dans le faubourg de TOUCHEBOEUF. C’est ensuite Bon de La BORDE qui acquiert cette propriété et y habite de 1648 à sa mort en 1662; puis sa veuve Antoinette de BEAULIEU et son fils Dieudonné deviennent propriétaires. Depuis ce temps, une habitude est prise : en tant que seule famille noble du village, les de La BORDE disposent d’un banc dans le choeur même de l’église. Et ceci, – un document de l’époque le rappelle -, quoy que Dieudonné ne soit Seigneur du lieu ny fondateur de laditte église ». Pourquoi les relations se détériorent-elles en 1698, alors que le curé Guillaume COLLAS lui-même est à Monteliot depuis plus de 20 ans? Certains motifs transparaissent peu à peu de l’examen des documents, parfaitement conservés depuis bientôt trois siècles dans les archives du « château » de Montillot. Le curé COLLAS, se référant à des ordonnances de l’Evêque d’AUTUN concernant les places dans l’église, ainsi qu’à un document « statuts et discipline ecclésiatique », a commencé, écrit-il à son évêque (réf.4), par « honestement remontrer au Sieur de la BORDE et à la damoiselle sa femme que le choeur de son église était fort petit et ne permettait pas d’y souffrir des bancs et des sièges ». Cette remarque pouvait être justifiée : Bon de LABORDE, père de Dieudonné, n’avait que 2 enfants, donc 4 personnes venaient à la messe; Dieudonné a 4 enfants et sa soeur l’accompagne, donc 7 personnes doivent se serrer dans le choeur… En conclusion, le curé leur demande de reculer leur banc hors du choeur. Attachés à leur privilège, les de LABORDE refusent. Les incidents commencent; le prêtre lance des avertissements du haut de sa chaire devant l’ensemble des fidèles … Puis un jour, aidé d’habitants du village, solidaires de leur curé, et en particulier de « fabriciens » – ceux qui assurent pour la communauté la gestion de la nef -, le Sieur COLLAS retire le banc du choeur et le place à l’entrée, un peu en arrière. Indignés, les de LABORDE se réinstallent dans le choeur ; ils « continuent avec indécence de se placer sur le pied du sanctuaire » écrit encore le curé COLLAS, qui parle de violences, de scandale, d’injures …Il lui arrive de quitter le grand autel et d’aller célébrer la messe à un autel latéral. Il interdit aux de LABORDE (autre privilège) le service de l’eau et du pain bénits et confie ce rôle au lieutenant du bailliage… |
Les Plaintes |
Dès 1698 donc, il a écrit à l’évêque d’AUTUN pour se plaindre. Celui-ci, à deux reprises, en août 1698 et avril 1700 a fait ordonner par ses grands vicaires une enquête auprès des plaignants.
De son côté, en février 1700, Dieudonné de LABORDE adresse une requête au Chapitre de Vézelay, dont le doyen et les chanoines étaient les vrais « seigneurs de Monteliot » ( ceux qui levaient les impôts…). Il leur rappelle (réf.1) que sa famille possède à Monteliot « considérables domaines sujets à vostre dîme », qu’ils ont « un ban a l’entrée du choeur duquel ils ont toujours joui paisiblement » et dans lequel les chanoines prennent « place comme seigneurs » lorsqu’il leur plaît « assister au Service de ladite église ». Il les prie de « luy conserver ledit ban dans sa place ordinaire et de faire deffence a toute personne de la paroisse de l’y troubler a l’avenir ». En réponse, les chanoines « assemblés capitulaires a l’issue de leur grand’messe » le 17 Février 1700, « consentent et accordent » que ce banc « demeure et soit permanent à l’entrée du choeur de l’église paroissiale » et que Dieudonné de LABORDE « continue d’en jouir tranquillement à l’avenir avec sa famille »; ils enjoignent à leur « lieutenant local de céder au Sieur de LABORDE les honneurs de l’eglize ». Il faut bien noter que le Chapitre de Vézelay, bien que composé de prêtres, représente le pouvoir séculier, dépendant du bailliage d’Auxerre et de la Généralité de PARIS. L’Abbaye, de par sa charte de fondation au 9ème siècle par Girart de Roussillon, dépendait directement de l’Eglise de Rome. Bien qu’appartenant géographiquement à leurs diocèse et comté, elle était en réalité indépendante de l’évêque d’AUTUN, aussi bien que du Comte de Nevers. De plus, elle a été sécularisée en 1538 par le pape PAUL III, et cela a été confirmé par Louis XIV en 1653. Le 22 Avril 1700, sur ordonnance de l’Evêché d’AUTUN, Mr Léonard PINOT, curé de PRECY le SEC et archiprêtre de Vézelay, se rend à Monteliot pour interroger les plaignants. A la suite de son rapport, « Gabriel par la permission divine Evêque d’AUTUN, Comte de SAULIEU, Président né et perpétuel des estats de la province de Bourgogne », rend une première sentence le 7 Mai 1700. Le texte de cette sentence (réf.2) présente pour nous un double intérêt: – étant très circonstancié, il fournit des motifs plus précis de l’attitude du curé COLLAS – il apporte une solution de compromis qui aurait pu être acceptable par les deux parties. Sur les motifs, on trouve: – « les usurpations que prétend faire le SIEUR DE LABORDE dans le choeur » – mais aussi : ‘l’incommodité et la notable indécence résultant de ce que la dame de LABORDE et les demoiselles ses filles et autres personnes du sexe qui les accompagnent sont placées vis à vis du pulpitre et partant ne peut ledit Sieur curé porter ses yeux du costé du pulpitre sur lequel les livres de chant sont placés sans que sa veue tombe sur lesdites personnes du sexe « |
La solution proposée… |
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Sur la solution proposée : la famille de LABORDE sera partagée en deux groupes; les hommes restent dans le choeur leur banc étant déplacé vers le mur « du coté de l’évangille »; les femmes un peu en arrière dans la nef, sur un autre banc, « pour ne causer ni indécence ni incommodité ». Le 26 Mai, le Sieur DEBARD, archidiacre d’AVALLON et chanoine de l’eglise d’AUTUN, vient à Monteliot et ordonne (réf.7) au « Sieur COLLAS de tenir la main a l’exécution de la susdite ordonnance de Mgr l’Evêque d’AUTUN » et « luy fait deffence de souffrir qu’aucune femme se place dans le choeur pendant le Service divin ». Mais la paix n’est nullement rétablie. Le curé COLLAS affirme que la famille de LABORDE méprise « les avis et remontrances »; qu’ils continuent tous à s’installer dans le choeur « au préjudice même des réglements faits par les supérieurs ecclésiastiques », causant de ce fait « indécences et scandale » en l’église. Des procès verbaux établis par Jehan DEFERT, lieutenant au bailliage, et par le notaire FERRAND, constatent « l’empechement aporté a l’exécution des ordonnances ». Quant à Dieudonné de LABORDE, il écrit (réf.3) que l’ordonnance de l’Evesque « ne feut point au goust » du curé, et qu’il cherche à « desgoutter son épouse et ses filles » afin de leur faire prendre une place autre que celle prévue; de sorte, dit-il, que « quatre demoiselles qui est mon espouse et nos deux filles et une mienne soeur n’avaient que deux pieds au carré pour leur siège ». Il arriva même que le curé COLLAS ayant fait enterrer un corps à l’endroit réservé aux dames DELABORDE, laissa la tombe non recouverte, avec la terre « de l auteur du genout » pendant plus de quinze jours. En conclusion, le curé ferait « tout pour chagriner le suppliant » et, dit-il, nous sommes comme des « brebis esgarez ne sachant ou prendre place ». Dans un esprit de conciliation, – ou bien sous la contrainte? -, Dieudonné signe un acte sous seing privé le 21 Juillet 1700 par lequel il reconnaît que l’ordonnance de l’évêque d’AUTUN lui a bien été notifiée et il promet d' »y obeir a l’avenir très fidèlement »; dans un autre procès verbal de visite du Sieur PINOT à Monteliot, le 28 Juillet, il « désavoue une plainte donnée soubs son nom contre ledit sieur COLLAS et se rétracte des injures qu’il pourrait avoir proférées contre luy » (réf.7). C’est une imprudence qui desservira sa cause… Des procès verbaux établis en janvier et mars 1701 par le Sieur GROSSOT, Lieutenant au bailliage (son prédécesseur Jehan DEFERT est décédé en août 1700), font encore état de la « contravention réitérée par les dits Sieur de LABORDE, sa femme et leurs filles aux dites ordonnances et des indécences commises et scandale par eux causé en ladite église ». Le curé COLLAS avait donc un « bon dossier » à présenter à l’évêque d’AUTUN dans sa requête du 5Mai 1701 (réf.4) adressée à « Monsieur GIRAUST, docteur en Téologie, chanoine de l’église Notre Dame de MOULINS et officiale de Mgr l’évêque d’AUTUN pour la généralité de PARIS », pour lui demander d’assigner devant lui « les dits Sr de LABORDE, femme, fils et filles » et de les condamner à ‘reparer les scandales qu’ils ont causé et causent ». Dans sa propre requête, Dieudonné de LABORDE ne peut que se présenter comme persécuté; il demande à l’évêque d’exiger du curé COLLAS le respect de la sentence du 7 Mai… Ce n’est qu’en novembre qu’il adresse une autre requête au Lieutenant général du bailliage d’AUXERRE (réf.5), en adoptant une nouvelle tactique. Après avoir exposé les événements, manifestation de « l’ennimosité » que le curé « tesmoigne contre luy en toute rencontre », il dit considérer que la conservation du banc est un fait de « maintenue et garde possessoire« , qui relève de la justice séculière et royale seulement. Il demande donc que la décision des chanoines de Vézelay, seigneurs incontestés de Monteliot, prise le 17 février 1700, soit confirmée par les juges royaux. Il est trop tard : les deux institutions, la religieuse et la séculière, vont rendre leurs jugements presque simultanément.
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Commentaires de monsieur le chanoine Jacques Leviste (Février 1996),
Conservateur du Trésor de la cathédrale de Sens
…En principe, le choeur de l’église est réservé au clergé et à ceux qui remplissent des fonctions liturgiques, revêtus d’un costume approprié.
Le règlement édité en 1738 par Mgr de CAYLUS, évêque d’AUXERRE, indique que le choeur de l’église est réservé au clergé et aux officiers de la seigneurie ainsi qu’aux notables, mais à l’exclusion des « filles et des femmes », qui ne peuvent remplir aucune de ces fonctions.
D’après la description qu’en donne le Répertoire archéologique de l’Yonne, le choeur de l’église de Montillot est très petit : 5m30 de large ! De plus il ne faut jamais oublier que sous l’Ancien Régime, le choeur est à la charge du seigneur principal « haut justicier ». C’est lui qui en assure, s’il y a lieu, la construction, l’entretien et les restaurations. C’est ce qui explique que dans la plupart de nos églises, le choeur est différent de la nef, souvent d’une architecture plus recherchée et plus soignée. la nef est la plupart du temps plus modeste et plus simple.
Seul , le seigneur haut justicier ou principal a droit à un banc dans le choeur pour lui et sa famille, donc sa femme et ses filles. Ce banc peut occuper un côté de l’entrée du choeur, mais il ne s’agit pas des stalles qui peuvent se faire face.
C’est là que ce seigneur reçoit les honneurs liturgiques : on lui présente l’eau bénite, on va l’encenser après le clergé, on lui porte la patène du « baiser de paix », il marche le premier dans les processions, en tête des fidèles…Il est souvent le « patron » de l’église, parce que descendant des lointains fondateurs, c’est à dire qu’il peut proposer un ecclésiatique de son choix pour la cure. C’est tout un ensemble de droits, d’honneurs et de frais qui lui reviennent ou lui incombent.
La « Coutume » d’Auxerre, qui est le « Code Napoléon » de l’époque, a prévu tout cela dans le moindre détail.
Ce seigneur a droit de sépulture dans le choeur avec sa famille à l’exclusion de tout autre, sauf le clergé.
Les autres seigneurs, propriétaires d’un fief sur la paroisse, n’ont que des droits accordés par la coutume. Certains ont pu faire bâtir une chapelle annexe à leur usage, ou ont obtenu un banc plus distingué, mais en dehors du choeur.
Si la seigneurie se trouve partagée entre deux familles héritières, c’est au gouvernement du bailliage à en règler les modalités et les droits.
Revenons au cas de Montillot…
Le seigneur principal et « haut justicier » en est l’abbaye de Vézelay devenue un « Chapitre de chanoines ». Ce sont eux qui ont les charges, l’entretien et les privilèges.
Les De la BORDE n’ont aucun droit dans le choeur de l’église et leurs devanciers n’ont pas fait bâtir de chapelle annexe à leur usage. Les choses se compliquent puisqu’il semble que les chanoines de Vézelay leur ont laissé prendre des habitudes dans le choeur, au point que les honneurs liturgiques leur sont rendus.
Le curé de Montillot trouve que c’est exagéré, et la présence des demoiselles, à côté de lui, quand il est avec ses chantres au lutrin, le gêne. Elles ne sont pas à leurs places; si elles occupent un banc seigneurial, elles le font indûment. Si elles sont dans le choeur, mêlées aux officiers de la seigneurie, – notaire, bailli, lieutenant, syndic, procureur …- , elles désobéissent aux règlements épiscopaux.
Je crois que le curé est dans son droit en voulant mettre de l’ordre et faire respecter les règlements, tant civils que religieux. L’évêque d’Autun le soutient. La décision du comte de COURSON, au bailliage d’Auxerre, me semble bien imprudente, et exagérée.
Cela n’a rien à voir avec l’accession des femmes au sacerdoce; il s’agit là d’un problème de théologie catholique, et de tradition purement eclésiatique. Quand le « seigneur haut justicier » était une femme, la veuve du seigneur ou son héritière, personne ne songeait à lui contester sa place dans le banc seigneurial du choeur, ni les honneurs liturgiques qui lui étaient dus, ni la prière pour sa personne, nommée, au « prône de la messe ».
…Il faudrait demander, s’il en est encore temps, où les derniers châtelains se tenaient à l’église de Montillot.
DOSSIER de l’AFFAIRE COLLAS – DELABORDE. 1698-1701.
(Extrait des archives du « château » de Montillot)
Réf.1)- 17-02-1700 : requête DELABORDE au Chapitre de Vézelay.
Réf.2)- 7-05-1700 : sentence de l’évêque d’AUTUN.
Réf.3)- (non daté) : requête DELABORDE à l’évêque d’AUTUN.
Réf.4)- 05-05-1701: requête du curé COLLAS à l’évêque d’AUTUN.
Réf.5)- Nov. 1701: requête DELABORDE au Bailliage d’AUXERRE.
Réf.6)- 09-12-1701: jugement rendu par le Bailly d’AUXERRE.
Réf.7)- 17-12-1701: jugement rendu par l’évêché d’AUTUN, Officialité de MOULINS.
Réf.8)- 14-05-1724: quittance des sommes dues par Simon DELABORDE à l’église de Monteliot.